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1999/07 Jazzman

Dick Annegarn, la quête de la note bleue

Est-ce par qu'il embrassa, garnement, la fille du biographe de Big Bill Broonzy ou bien s'essaya scout, à un trés sage et belge gospel ou plus vraisemblablement parce que la premiére audition de Miles Davis lui fit lui fit " Boum dans la tête " ? Le fait est que ce malaxeur de mots, tout en tricotant ses chansons et grattant à rebrousse-poil le petit monde du show-biz partit " en quête de la note bleue " (sic). De Bruxelles à Paris, de Lille, dans le quartier de Wazemmes o il habite désormais, à Essaouira, lumineuse forteresse marocaine sur l'Atlantique. " La blue note, c'est un devenir, un monde non tempéré. Pas un bémol ni un demi-bémol sourit le quêteur. Une mise en résonance de l'air, que je retrouve aussi bien dans la musique des paysans hongrois que dans la musique arabe ou berbére. Il existe un principe coranique dit de " l'inimitable ". Miles Davis joue deux notes, on les reconnaît tout de suite. "

Monk arrive sur ces entrefaites. " Rien qu'à lire son nom, j'ai le frisson, poursuit le grand Dick qui écrivit d'ailleurs un texte sur Ruby, My Dear. C'est le musicien qui autorise à partir d'erreurs maîtrisées. Un ouvreur de voies. " Et voilà, en ajoutant à de multiples influences quelques concerts historiques de l'American Folk Blues Festival, comment une carriére d'artiste peut se trouver, consciemment ou non, menée par le bout de la gamme. " Si la mythologie jazz me gonfle, si je ne me sens pas non plus comme un visiteur respectueux des musées du blues et de leur hiérarchie militaire, poursuit Annegarn, j'aime la musiques de ces ingénieurs analphabétes. J'ai aimé croiser la route de Robert Pete Williams, peu de temps avant sa mort. Il était un peu fou, peut-être déjà un peu parti. Il disait vivre avec une mystérieuse femme dans une maison hantée. à la guitare, comme d'autres, comme Lightnin' Hopkins, il avait sa propre conception rythmique des morceaux interprétés, souvent complexes. Il y a aussi dans le blues, un humour, une poésie sexuelle, une façon cachée de dire les choses qui me vont assez bien. J'ai du mal, en revanche, avec certains musiciens de jazz français qui comprennent tout si vite. Il ne faut pas confondre musique avec gymnastique ! "

Pas avec tous. Dans son dernier et excellent album (" Approche-toi " Tôt ou tard/WEA), Annegarn croise le chemin d'accompagnateurs comme François Moutin, Eric Séva, Bobby Rangell, etc., comme il côtoya auparavant et parmi d'autres, un Richard Galliano. Rencontres de (bonnes) circonstances assurément même si Annegarn (il s'agit d'un euphémisme) n'a pas gardé que de bons souvenirs de son passage sur le label Nocturne. Récemment, le contact semble s'être établi de façon plus fraternelle avec un Antoine Hervé (la chanson Tu ménes ta vie), " un virtuose qui a du cœur ". On parle d'un projet commun pour le prochain festival de la Côte d'Opale. Dans le titre partagé avec Hervé, Annegarn se donne même, à sa façon, des faux airs de Ray Charles entre coups de gosiers et sinuosités vocales. Jusqu'à la parodie ? Pourquoi pas. " Il y a dans cette musique, un aspect tragi-comique " sourit l'auteur de Mireille. Autre idée en forme de boutade, l'énerguméne se verrait bien donner une version, en français dans le texte, du célébre tube Georgia On My Mind. " En ce qui me concerne, sourit le grand blond, je prendrais peut-être comme prénom, euh, disons, Roger... " En attendant Roger, aprés avoir arpenté la scéne du Bataclan, Annegarn revient sur nos routes et pour de longues semaines. L'occasion de faire mentir une réplique prêtée par le Lillois d'adoption à un certain Nougaro. On interroge le Toulousain : " Vous connaissez Annegarn ? " Il réplique : " Oui, de légende... "

Christophe Driancourt